Banque de questions, Sophie Lapalu et François Deck, suite à l’expérience au sein de la Session 19 de l’École du Magasin et de l’élaboration du projet How not to make an exhibition.
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Quelle position adopter au sein d’une école sans maîtres ni élèves ?
Une société des égaux peut-elle être le fait d’un ordre naturel ?
L’auto-enseignement est-il le dernier alibi des politiques de restrictions de budgets ?
L’absence de maître et d’élève au sein d’une école répond-elle d’une philosophie et d’une méthode pédagogique ?
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Comment travailler en groupe ? Qu’est-ce qu’un collectif ? Une collaboration ? Une coopération ?
Un groupe dont les membres ne se sont pas choisis peut-il former un collectif ?
Comment collaborer dans un groupe dont les membres ne se sont pas choisis ?
La distinction entre groupe, collectif et réseau implique-t-elle des méthodes collaboratives radicalement différentes ?
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Comment activer un débat ? Doit-on convaincre ?
Un débat peut-il se passer de protocoles ?
Les formes du débat sont-elles naturelles ou culturelles ?
L’enjeu du débat est-il de faire progresser des connaissances, de souder une communauté, de constituer un public ou de répandre des convictions ?
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Peut-on (doit-on) forcer les individualités à former du commun ?
Le commun est-il un problème ou une solution ?
Quel genre de commun l’autorité peut-elle former ?
Quelles qualités accorder à un commun qui ne serait pas la conséquence du libre choix de ceux qui le forment ?
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Le consensus est-il la meilleure alternative à la démocratie ? Peut-on travailler au sein d’un dissensus ?
La démocratie est-elle un art ?
La démocratie est-elle le consensus ou l’alternative au consensus ?
La démocratie est-elle la tension dynamique entre consensus et dissensus ?
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Pourquoi et comment le monde de l’art pousse-t-il à la concurrence et à l’affirmation des individualités ? Peut-on mener un travail de groupe dans ce cadre ?
Portrait de l’artiste en tant que modèle de l’individu compétitif et concurrent ?
Monde de l’art ou pluralité des mondes de l’art caractérisant des différences vis-à-vis de la valeur et des valeurs ?
Le travail de groupe se donne-t-il les moyens de réfléchir les valeurs de chacun avec celles du cadre dans lequel il opère ?
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L’école, en tant que formation professionnelle, a-t-elle pour but de préparer au monde du travail ? Si non, pourquoi reproduire certains de ses schémas d’organisation ?
Quelle est la place de l’art dans une formation professionnelle en art ?
L’art étant particulièrement favorable à l’accumulation de valeur permet-il une critique de la valeur ?
Peut-on parler de formation professionnelle en art sans reproduire des schémas qui nient toute possibilité d’art ?
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Qu’attendons-nous de l’art ?
Quel est ce nous qui serait en attente d’art ?
L’art est-il capable d’apporter une réponse à la dévastation de la sphère publique ?
L’existence d’une sphère publique implique-t-elle des conceptions contrastées de l’art ?
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L’art peut-il avoir un impact réel, sur le réel ?
Au-delà de l’histoire de l’art une discipline analysant les impacts de l’art sur le réel est-elle pensable ?
La question « L’art peut-il avoir un impact réel sur le réel ? » renvoit-elle à des conceptions artistiques opposées ?
La question « L’art peut-il avoir un impact réel sur le réel ? » évoque-t-elle la nécessité d’un effort supplémentaire ?
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La fiction peut-elle être une tactique d’infiltration dans le réel, pour le penser ?
Comment l’idée de fiction peut « prendre corps », avoir « des effets réels, plutôt que d’être des reflets du réel » ?
La prétention au réel est-elle la fiction qui gouverne les indénombrables approches de la réalité ?
Les actions des Yes men, par exemple, ont-elles des effets réels ou simplement sur les représentations du réel ?
Peut-on dire que l’art n’a pas toujours une distance évidente avec les techniques de manipulation de la publicité?
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Ces pratiques sont-elles traversées par le politique ?
De quelle manière les stratégies politiques intègrent-elles des stratégies de fiction ?
Les stratégies de fiction artistiques ont-elles pour modèle les stratégies économiques et politiques (storytelling…) ?
Peut-on généraliser a priori la portée politique de telle ou telle pratique artistique utilisant des stratégies de fiction ?
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Pourquoi choisir le champ de l’art pour acter ?
L’art est-il un lieu d’effectivité de gestes micro politiques ?
L’art en tant qu’activité autonome est-il, en soi, un modèle politique ?
Le champ de l’art recèle-t-il des capacités de transformation inaccessibles à d’autres champs ?
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Une œuvre peut elle « fonctionner » si elle n’est pas vue comme telle ?
Le « fonctionnement » d’une œuvre est-il indépendant de sa qualité d’œuvre ?
Le « fonctionnement » d’une œuvre peut-il bénéficier d’être perçu comme œuvre ?
Le « fonctionnement » d’une œuvre peut-il bénéficier de ne pas être perçu comme œuvre ?
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Où est l’ « œuvre » ? Qu’est-ce qui fait œuvre ?
Pourquoi préfère-t-on attribuer le terme d’œuvre à une chose plutôt qu’à un rapport social ?
L’œuvre est-elle « une chose » ou l’agent matériel ou immatériel d’une communauté esthétique à l’œuvre ?
Faire œuvre est-ce déterminer le point d’application d’un champ de force réunissant éthique et esthétique ?
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Peut-on encore parler de spectateur ?
La tâche de l’art est-elle de défaire le spectateur ?
À l’heure où se vérifie que le « spectacle » est « le moment historique qui nous contient » comment échapper au spectateur ?
Comment défaire le spectateur alors que les établissements artistiques instituent le spectateur en termes de statistiques de fréquentation ?
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Quel rapport les artistes entretiennent-ils aux notions de post fordisme, d’immatérialité du travail, de la séparation de la conception intellectuelle et de la réalisation matérielle ?
Un enseignement de l’art peut-il se passer d’un enseignement concernant l’évolution des modes de production de la valeur ?
La redondance des formats artistiques est-elle la double conséquence des systèmes d’administration et de l’économie de l’art ?
Pourquoi et comment les modes de production artistiques se soustraient-ils aux nouvelles conditions d’autonomie permises par la technique ?
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Les artistes qui s’inscrivent dans une économie du don interrogent-ils le lien de subordination économie / art ? Le don induisant un contre don, qu’attendent-ils en retour ?
Peut-on globaliser les artistes qui s’inscrivent dans une économie du don ?
L’économie de l’art peut-elle être pensée autrement que dans les formes dominantes de la valeur ?
Comment penser le fait que la gratuité puisse être l’argument simultané des stratégies du capital et des stratégies d’émancipation ?
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Les artistes critiques ne craignent-ils pas la réappropriation ?
Faut-il craindre la récupération et souhaiter la réappropriation ?
La critique artiste sans la critique sociale peut-elle être réellement critique ?
La crainte de la récupération peut-elle informer positivement un positionnement artistique et sa méthode ?
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Peut-on faire entrer dans le cadre de l’institution des pratiques « hors cadre » sans les dénaturer ?
La critique institutionnelle reviendra-t-elle à la mode (Foucault, Buren jeune, etc.) ?
Les artistes intéressants sont-ils ceux qui déambulent sur les frontières ou les annulent ?
Comment expliquer la faible résistance des artistes, même au prix d’une perte du sens de l’œuvre ?
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Comment « exposer » ces processus, ces actions, ces postures ? Comment relayer ces pratiques ? Une exposition traditionnelle est-elle envisageable ?
Ces pratiques ont-elles besoin d’exposition ou de budgets de production ?
Des institutions « plus contemporaines » sont-elles envisageables (documentation, information, recherche, débat public…) ?
Exhiber, montrer, présenter, risquer, jouer, hasarder, affronter, chercher, analyser, décrire, énoncer, raconter, retracer, orienter, soumettre, engager… ?
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Qu’est-ce qu’une exposition ? Est-ce encore la forme adéquate pour l’art contemporain ?
Cet état systémique est-il ouvert à la transformation esthétique ou est-il le lieu d’un conservatisme esthétique ?
Le changement d’échelle de l’œuvre (exposition = œuvre) est-il l’effet nécessaire du développement du système de l’art ?
Le conservatisme esthétique est-il à penser « esthétiquement » ou sociologiquement (conquête des places, connivences, corporatisme de la religion des pairs…) ?
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Que signifie une non-exposition aujourd’hui / à Grenoble / comme projet final d’une école curatoriale ?
Sans aller jusqu’à la négation de la négation (Hegel), peut-on réellement changer quelque chose ?
Les conditions d’une école curatoriale permettent-elles de construire une position qui ne serait pas surdéterminée par ces conditions ?
Quelle est, en termes de format, la marge de manœuvre du projet d’une école curatoriale située dans un lieu caractérisé par la monoforme (Peter Watkins) de l’exposition ?
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Pourquoi nommer par la négative ? Ne devons-nous pas inventer de nouvelles terminologies pour de nouvelles pratiques ?
La transformation peut-elle se passer d’un moment négatif ?
Toute intention transformatrice ne doit-elle pas transformer le moment négatif en proposition ?
Sculpter le langage et donc changer la conscience que nous avons des choses, n’est-ce pas le plus difficile ?
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Où est l’art au sein d’une non-exposition ? Et le public ?
Faut-il tout changer ?
La notion de public est-elle à réinventer ?
Le mot art ne fait-il parfois partie des encombrants ?
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Le curateur est-il un médiateur entre l’artiste et le public ? Comment définir la pratique curatoriale ?
Doit-on prédéfinir la pratique curatoriale avant qu’elle ne s’invente ?
La mise en mouvement des rôles ne les rend-elle pas plus intéressants ?
Faut-il répondre d’un rôle ou le rôle s’invente-t-il à partir de compétences émergentes ?
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Comment acquérir de nouvelles compétences en tant que « futur curateur » ? Comment accepter nos incompétences ?
Doit-on penser son activité dans le cadre d’un rôle plus ou moins institué ?
Peut-on développer de nouvelles compétences sans reconfigurer son propre rôle ?
Le terme compétence comporte une logique additionnelle implicite, de quels effets une logique soustractive est-elle porteuse ?
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Comment réévaluer ce que nous pensions comme acquis ?
Comment se dégager émotionnellement et identitairement de ce que l’on sait faire ?
Qu’est-ce qui permet de déclencher une réflexivité vis-à-vis de ce que l’on croit connaître ?
Peut-on admettre la puissance de mouvement d’une mutualisation des compétences et des incompétences ?
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Comment pivoter nos compétences ?
Faire pivoter ses compétences ou les faire pirouetter ?
Faut-il conserver un pivot pour changer de point de vue ?
Pourquoi les formations portent-elles plus sur la compétence que sur la décision ?
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Pouvons-nous adopter les tactiques de fiction telles qu’élaborées par les artistes comme autre méthode de travail ?
Toute hypothèse n’a-t-elle pas déjà en soi une valeur expérimentale ?
Est-il certain que les curateurs se soient privés de ces tactiques de fiction jusqu’à maintenant ?
Les tactiques de fiction étant le « charbon » de la société du spectacle peuvent-elles être le carburant de la critique de la société du spectacle ?
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Qu’attendions-nous d’une école expérimentale ? Qu’est-ce que nous pensons avoir appris ?
Quelle est la définition d’une école expérimentale ?
Comment l’expérimentation a-t-elle évoluée de la première session à la 19e ?
De quelle manière L’école du Magasin peut-elle répondre de sa qualité d’école expérimentale ?
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Pourquoi étions-nous venues ? Comment partons-nous?
Le travail de l’art n’est-il pas d’aller des intentions initiales à une production des intentions ?
L’écart entre les attentes et ce qui s’est effectivement produit est-il nécessairement déceptif ?
Peut-on estimer que certains échecs peuvent être plus intéressants que certaines réussites attendues ?
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Sommes-nous plus compétentes ? Pour qui ?
De quelle nature sont les acquis de cette expérience ?
La formation des professionnels de l’art devrait-elle être un art ?
L’exigence de compétences est-elle inversement proportionnelle à la faculté de concéder
une autonomie de décision ?
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Sophie Lapalu et François Deck
Banque de questions suite à l’expérience au sein de l’École du Magasin
HOW TO
Le document de post production téléchargeable en format PDF, réalisé suite au programme interdisciplinaire des 29 et 30 mai 2010, How not to make an exhibition: conférences, installation, table ronde, publication, activation de protocoles.
Session 19 de l’École du Magasin
Post production How not to make an exhibition